LES RAS-LE-BOL DES AGRICULTEURS? LE GREEN DEAL N'Y EST POUR PAS GRANDE CHOSE.


Soyons honnêtes : il y a de nombreux problèmes à résoudre dans l'agriculture européenne, mais le Green Deal n'a pas grand-chose à voir avec cela.

Le Green Deal européen devient injustement un bouc émissaire commode pour tous les mécontentements. Il s'agit d'un ensemble de lois, de règles et de financements qui devraient nous aider à éviter la catastrophe climatique que nous voyons plus clairement chaque jour : pour rappel, les sécheresses et les inondations coûteront à elles seules au secteur agricole plus de 5 milliards d'euros en 2023 en Italia; et le Green Deal  n'est certainement pas le résultat des choix de lointaines "élites" européennes, mais de la science, d'une partie importante du monde productif et de la mobilisation de millions de jeunes. À cet égard, nous constatons également que, contrairement aux manifestations éparses, aussi inappropriées soient-elles, qui, en bloquant la circulation ou en jetant des substances colorées inoffensives sur les murs ou les vitres, ou simplement en manifestant, visent à signaler l'énorme gravité de la crise climatique et qui doivent parfois faire face à de lourdes poursuites judiciaires, les actions d'occupation et de blocage des routes, quand ce ne sont pas des destructions et du vandalisme pur et simple de la part des agriculteurs à travers l'Europe, trouvent généralement le soutien et l'appui des médias et de l'opinion publique, ainsi que l'indulgence des pouvoirs publics. Pourtant, il s'agit fondamentalement des deux faces d'une même pièce, d'un système économique et social qui doit changer et qui n'arrive pas à se mettre d'accord sur la manière et les moyens de le faire de manière efficace et équitable.

Le Green deal est injustement mis sur le banc des accusés pour au moins deux raisons : d'abord, parce que l'essentiel du vaste programme européen de réforme verte de l'agriculture est tout simplement resté lettre morte, démoli avec la contribution des mêmes organisations et lobbies qui mènent aujourd'hui la révolte dans de nombreux pays et habilement récupéré dans une tonalité anti-européenne par la droite. L'augmentation des coûts de production, par exemple,  est davantage due à la dépendance excessive à l'égard des combustibles fossiles et à l'augmentation conséquente des factures qu'aux normes vertes. Et grâce à des efforts systématiques, les propositions de la Commission sur les pesticides, l'augmentation de la culture biologique, la restauration de la nature, les émissions industrielles, les emballages ont toutes été fortement réduites et le gros problème d'émissions du secteur (34%) reste pratiquement intact, ce qui est presque unique parmi les secteurs de production. La deuxième raison qui rend injustifiée l'attaque contre le Green Deal est que, comme le disent de nombreux agriculteurs qui ne partagent pas le contenu des protestations, mais qui se battent depuis des années pour une réforme de la PAC, rendre l'agriculture européenne moins dépendante des pratiques intensives en énergie, en eau, en pesticides, en un mot plus durable, moins dépendante de la grande distribution, et donc moins industrielle et plus proche du consommateur est la seule façon de sauver sa qualité et sa durabilité économique.

De plus, dans les pays où les émeutes ont éclaté, les gens protestent pour différentes raisons et avec différentes méthodes, et il est très risqué de les mettre toutes sur le compte de l'UE, même si elles partagent toutes la bureaucratisation excessive et la réduction (inévitable) des subventions comme "musique de fond".

Il est cependant certain que la PAC doit être réformée, ne serait-ce que parce que 80 % des subventions, qui représentent plus de 30 % du budget de l'UE, vont à 20 % des exploitations, parce que la bureaucratie excessive favorise les intermédiaires et les corporations, parce que le critère de la quantité au détriment de la qualité s'applique toujours malgré les nombreuses tentatives de réforme, et parce que les nombreux agriculteurs qui ont décidé de "passer au vert" ne bénéficient d'aucun avantage ni d'aucun soutien spécifique.

Le rals-le-bol des agriculteurs  doivent être abordées avec raison et empathie parce que tant de personnes ne peuvent plus supporter la fatigue et les coûts d'une activité indispensable à tous : mais sans suivre la propagande de ceux qui pensent qu'il peut y avoir une agriculture florissante dans un environnement détruit et que l'agriculture peut continuer à considérer les animaux et les plantes comme des rouages d'une usine.

(Photo Getty)